Ubiquités contrariées
(wörtlich: Zwiespältige Allgegenwart)Du 22 janvier au 28 février 2017
NEUE ARBEIT, Essen (Allemagne) e
Exposition personnelle, après 10 semaines de résidence
Le vernissage a eu lieu le 22 janvier 2017, journée de l’amitié franco-allemande, avec une présentation de l’exposition par Dr. Hans-Jürgen Lechtreck, directeur adjoint du Museum Folkwang.
Cette exposition de Jérémie Setton fait suite à deux mois de résidence à NEUE ARBEIT à Essen qui est un lieu hybride d’accueil, de soutien et de formation pour migrants et personnes sans emploi. Cette entreprise d’utilité publique à but non lucratif compte 190 salariés qui encadrent 2700 participants.
L’exposition a été réalisée avec eux et conçue par l’artiste en résonnance avec les multiples rencontres faites lors de la résidence.
Ce projet a été possible grâce à l’initiative de Michael Stelzner, directeur de NEUE ARBEIT. Exposition en partenariat avec le centre culturel Franco-Allemand de Essen et sous le haut parrainage du Consul général de France à Düsseldorf, Mr Vincent Muller, et du maire de Essen, Mr Thomas Kufen.
Vues de l'exposition
Album photo
Encre de Chine sur papier, collé sur panneau de bois, 2016
Tracing Faces
Fusain sur papier collé sur bois, vidéoprojecteur, lumière, 2014
Vacance
Oh le beau jour de l’entre-deux-guerres où aura été réunie la famille au grand complet ! Mais l’image du bonheur est bientôt troublée par une double disparition : quelque temps après la prise de vue, comme aux beaux jours de la censure communiste, un personnage a été remplacé par un buisson aquarellé ; puis, en 2014, Jérémie Setton a projeté l’image sur un grand papier avant d’effacer les membres de cette famille avec un fusain, en compensant les nuances de l’image projetée pour aboutir à un monochrome gris équivalant à une suppression, une absence, un caviardage provisoire : les personnages ont rejoint le royaume des ombres, le dessin a effacé la photographie. Quand on entre dans la galerie, il n’y a plus personne « sur le papier », seulement la présence centrale, très visible, d’une absence, et celle, périphérique, de traces du décor initial – quelques arbres et buissons, deux fragments de chaises – qui nous assurent de la nature photographique de l’image projetée.
Mais dans un deuxième temps, le regardeur s’approche du trou sombre et, dès que son corps s’interpose dans le faisceau du vidéoprojecteur, il vit une expérience aussi sidérante que le curieux – par exemple, Alexandre von Humboldt – découvrant les premiers daguerréotypes au milieu du dix-neuvième siècle : l’ombre de son corps révèle – et est trouée par – l’image négative du dessin. Le visiteur voit son ombre ainsi fractionnée, zébrée par des traits, de crayon ou du visage, les premiers ayant effacé les seconds avant de les faire renaître, mais en négatif. Cette expérience n’appartient pas au monde ordinaire, elle transforme le corps interposé du visiteur en un révélateur d’image, au sens photographique du terme. Cette stupéfaction semble due à un tour de passe-passe lié au faisceau lumineux d’une lanterne magique ici utilisée à rebours de son usage habituel – car ce ne sont plus des ombres reconnaissables projetées au mur pour le ravissement d’un œil immobile et pré cinéphilique, mais l’ombre mobile de mon corps qui « reconnaît », voit et concrétise des formes jusque-là indiscernables. Cette sidération n’est pas sans rappeler celle du visiteur du Bureau, une autre installation de Jérémie Setton, où l’on entrait dans un espace perturbant car dépourvu d’ombres avant que celle du corps du visiteur révèle celles, peintes en négatif, des divers objets réunis dans cette pièce ; la peinture appliquée directement sur des surfaces – murs, moquette, objets divers – jouant là-bas le rôle de compensation ici assigné au dessin.
Pour la présente œuvre comme pour d’autres, l’artiste attache beaucoup d’importance à ce qu’il appelle l’accordage. Ici, comme dans Le Bureau, Les Hôtes ou les Modules bifaces, il faut accorder le dessin ou la peinture aux diverses sources lumineuses dans l’espace, plus ou moins empiriquement, « à l’œil », comme on accorde un piano ou un violon « à l’oreille », pour que l’installation joue la partition au plus juste et « se joue » momentanément de nous.
Ainsi le visiteur en reconnaissance explore-t-il par fragments dessinés en négatif ce qui, un beau jour, se donna comme une réunion d’êtres souriant à l’objectif du photographe. Ces gens de la même famille ne se doutaient ni des drames historiques qui les attendaient, ni de la disparition de l’un d’entre eux sur un tirage, ni de la duplication plus tardive de tout leur groupe, due au travail opiniâtre, étrangement affectueux, d’un artiste du siècle suivant. Les voici, dans la galerie de Vacances Bleues, à l’état de fantômes, d’image annulée, à qui seule la présence d’un corps humain peut redonner un semblant de vie en oblitérant, selon un autre paradoxe récurrent dans le travail de Jérémie Setton, la lumière.
Brice Matthieussent
Famille Arditti, Varna (Bulgarie), 1934
(tirges de 1934 et 1937)
La découverte de cette photographie retouchée en 1937 a servi de point de départ à l’installtion Tracing Faces.
Invitations
Collage: feuilles de papier calque, cartons d‘invitations découpés, encadré sous verre, 2016
Sans titre De la série desModules Bifaces
Acrylique sur bois, lumière, 2016-2017
Dessins/peintures au savon d’Alep
Eau et savon d‘Alep sur bois, 2016
Ma série des dessins/peintures au savon d’Alep a été initiée cet hiver (2016 - 2017) en Allemagne alors que j’étais en résidence artistique dans un centre social d’insertion de migrants à Essen. En ce début de résidence, j’assiste comme tout le monde, horrifié, à la guerre à Alep. En confrontant des récits de vie de personnes sur place à des archives familiales personnelles récemment retrouvées, je redécouvre que mon arrière grand-père paternel est né à Alep. Cette branche de ma famille a ensuite quitté la Syrie pour s’établir en Egypte au début du siècle dernier avant de venir en France comme réfugié en 1957 (après la crise de Suez) . D’Alep je ne connais rien... Excepté peut être le savon si répandu aux vertus tellement ventées et les images médiatiques actuelles qui nous submergent. Pour prolonger mes recherches sur les émergences de l’Image, et dans ce contexte particulier, j’ai réalisé cette série de “dessins/peintures” sur panneaux de bois à l’eau et au savon d’Alep. De manière très classique, et d’après des photos d’archives, j’ai peint/dessiné au pinceau en utilisant ce matériau à la manière d’une aquarelle. En peignant de cette façon, l’eau (avec son once de savon d’Alep) mouille et fonce le support en bois ce qui produit les parties ombrées des images, tandis que les réserves sèches apparaissent comme les zones lumineuses. En quelques minutes les brèves images contrastées s’évaporent lors du séchage, laissant une pâle empreinte constituée du résidu huileux du savon. Au final, il reste une “huiles sur bois” ; mais sans pigment, sans couleur, sans épaisseur ou matérialité. Le support garde en mémoire la trace de l’image évaporée. Les photographies utilisées comme bases à ces dessins/peintures montrent cette famille en Egypte dans les années 1930 issue de cet arrière grand-père mystérieux ayant quitté Alep. J’ai été interpelé en découvrant ces cartons pleins de petites photos jaunies, en vrac, plus ou moins bien faites, de constater qu’elle montraient quasiment toutes des scènes de vie simples et joviales, ludiques et festives. Instants sans doute privilégiés par les “photographes”. Ces images, prises entre deux périodes de migration de cette famille, venaient se heurter à mes représentations sur le sujet. Le contraste entre ces moments de vie et l’image médiatique qui est aujourd’hui donnée toute à la fois venait s’opposer et se juxtaposer dans mon esprit. C’est ainsi que des scènes de jeux de plage entre amis (dans des tentes pare-soleil ou batifolant dans l’eau), de randonné dans la montagne ou de franchissement de grillage (clairement sportif et ludique) se retrouvent sur mes dessins/peintures au savon d’Alep comme des songes sur l’ambigüités des images et leur capacité à susciter nos projections d’images mentales préexistantes. Jérémie Setton
Alexandrie dans les années 1930 Eau et savon d‘Alep sur bois, 100 x 100 cm, 2017
Mabrouk, Egypte dans les années 1930 Eau et savon d‘Alep sur bois, 100 x 95 cm, 2017
Luxor, Egypte dans les années 1930 Eau et savon d‘Alep sur bois, 105 x 105 cm, 2017
Le départ de 1957
Encre de Chine sur papier collé sur panneau de bois, 2016
Module en boîte
Acrylique sur bois, lumière, 2016-2017
Bunã ziua Emil...
Installation 2016 - 2017
Installation 1/4
Bunã ziua Emil...
Paulette, Roumanie dans les années 30
Vernis sur bois, 2016
Lettre de Paulette Hardy
(grand-mère de Jérémie Setton) à Emil Costache, 2016.
Vernis sur bois, 2016
Lettre de Paulette Hardy
(grand-mère de Jérémie Setton) à Emil Costache, 2016.
Installation 2/4
Bunã ziua Emil...
Emil
Eau et savon d‘Alep sur bois, 2017
The meeting
Impression sur papier, 2017
Eau et savon d‘Alep sur bois, 2017
The meeting
Impression sur papier, 2017
Installation 3/4
Bunã ziua Emil...
Table, objets, image rémanente, acrylique, lumière, 2017
Installation 4/4
Bunã ziua Emil...
Table, objets, image rémanente, acrylique, lumière, 2017
Temps Humide n°2
Vidéo, 11‘08, 2014
Feuille de salle de l'exposition Concrétude (extrait):
"Une deuxième pièce est présentée au coté de Black and White Square ; une vidéo intitulée Temps humide. Elle montre un aplat foncé se transformant lentement en un aplat clair. Dans l’intervalle, la contamination du plan laisse le temps d’imaginer à quoi on a affaire. Un nuage qui avance jusqu’à occuper lentement tout le champ, ou un monochrome peint qui sèche en temps réel (perdant un ton au passage et cédant la place à un autre monochrome) ? Profondeur ou plan, lointain ou proche... Le doute persiste tout au long de la rêverie.
Pourtant, c'est bien de peinture dont il est ici question. En nous faisant contempler de longues minutes la transformation de la couleur humide en couleur sèche, Jérémie Setton nous propose de prendre le temps de méditer autant sur la matérialité de la peinture que sur notre faculté de penser en images".
> extraits vidéo
Pavés cherchant une destination finale
Béton, moulages de savon d‘Alep, 2016, 2017
La résidence
à NEUEARBEIT, Essen
novembre 2016 à avril 2017
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