Destinerrance
Du 13 mai au 8 juillet 2017
MAC Arteum, Châteauneuf-le-Rouge
Avec : laurent baude, jean bellissen, pip culbert, niki de saint phalle, armelle de sainte marie, joana hadjithomas et khalil joreige, jenny holzer, ahram lee, catherine melin, guillermo moncayo, rabih mroué, yazid oulab, michel et nicolas pincemin, julien prévieux, walid raad, lina saneh (majdalanie), maya schweizer, zineb sedira, jérémie setton, pierrick sorin, barthélémy toguo, yoann ximenes
Luxor Egypte dans les années 1930
Eau et savon d‘Alep sur bois, 105 x 105 cm, 2017
Dessins/peintures au savon d’Alep
Ma série des dessins/peintures au savon d’Alep a été initiée cet hiver (2016 - 2017) en Allemagne alors que j’étais en résidence artistique dans un centre social d’insertion de migrants à Essen.
En ce début de résidence, j’assiste comme tout le monde, horrifié, à la guerre à Alep.
En confrontant des récits de vie de personnes sur place à des archives familiales personnelles récemment retrouvées, je redécouvre que mon arrière grand-père paternel est né à Alep. Cette branche de ma famille a ensuite quitté la Syrie pour s’établir en Egypte au début du siècle dernier avant de venir en France comme réfugié en 1957 (après la crise de Suez).
D’Alep je ne connais rien... Excepté peut être le savon si répandu aux vertus tellement ventées et les images médiatiques actuelles qui nous submergent.
Pour prolonger mes recherches sur les émergences de l’Image, et dans ce contexte particulier, j’ai réalisé cette série de “dessins/peintures” sur panneaux de bois à l’eau et au savon d’Alep. De manière très classique, et d’après des photos d’archives, j’ai peint/dessiné au pinceau en utilisant ce matériau à la manière d’une aquarelle.
En peignant de cette façon, l’eau (avec son once de savon d’Alep) mouille et fonce le support en bois ce qui produit les parties ombrées des images, tandis que les réserves sèches apparaissent comme les zones lumineuses. En quelques minutes les brèves images contrastées s’évaporent lors du séchage, laissant une pâle empreinte constituée du résidu huileux du savon. Au final, il reste une “huiles sur bois” ; mais sans pigment, sans couleur, sans épaisseur ou matérialité. Le support garde en mémoire la trace de l’image évaporée.
Les photographies utilisées comme bases à ces dessins/peintures montrent cette famille en Egypte dans les années 1930 issue de cet arrière grand-père mystérieux ayant quitté Alep. J’ai été interpelé en découvrant ces cartons pleins de petites photos jaunies, en vrac, plus ou moins bien faites, de constater qu’elle montraient quasiment toutes des scènes de vie simples et joviales, ludiques et festives. Instants sans doute privilégiés par les “photographes”. Ces images, prises entre deux périodes de migration de cette famille, venaient se heurter à mes représentations sur le sujet. Le contraste entre ces moments de vie et l’image médiatique qui est aujourd’hui donnée toute à la fois venait s’opposer et se juxtaposer dans mon esprit. C’est ainsi que des scènes de jeux de plage entre amis (dans des tentes pare-soleil ou batifolant dans l’eau), de randonné dans la montagne ou de franchissement de grillage (clairement sportif et ludique) se retrouvent sur mes dessins/peintures au savon d’Alep comme des songes sur l’ambigüités des images et leur capacité à susciter nos projections d’images mentales préexistantes.
Jérémie Setton
Suite de la série présentée lors de l'exposition Ubiquités contrariées,
à Essen du 22 janvier au 28 février 2017
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