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Du 6 mai au 30 juillet 2023
H2M, Espace d'art contemporain, Bourg-en-Bresse
Avec : Léa Belooussovitch, Michel Blazy, Nicolas Daubanes, mounir fatmi, Léa Le Bricomte, Lucas Leffler, Lionel Sabatté, Andres Serrano, Jérémie Setton, Douglas White
Indispensables mais souvent ignorés, les matériaux utilisés par les artistes sont, pourtant, partie prenante de leurs œuvres. Dans le sillage des expérimentations modernes, des artistes contemporains s'ingénient à faire avec des matières singulières, riches de significations, qui viennent au-devant de la représentation, qui la repense, la complête ou la remplace parfois. Les cinq volets de l'exposition proposent de multiples invitations à faire avec les images, les objets et les matières, mais également les symboles qui leur sont associés, tout en manifestant une sensibilité éloignée de toute résignation.
Que ce soit en rejouant l'héritage formel de la peinture ou en bouleversant notre perception des matériaux qui les constituent, les œuvres de l'exposition refocalisent notre regard à l'endroit de leur matérialité. En s'affranchissant des conventions et en composant avec le contenu historique ou politique de leurs matériaux elles nous encouragent à aller voir au-delà de l'image et concourent à la rendre tangible Ainsi, l'exposition débute, non sans ambiguité, avec des photographies et se clôture sur un écran, comme pour nous inviter à porter un regard vigilant sur la matérialité des images quand bien même celles-ci en semblent dépourvues.
En nous faisant renouer avec la matérialité des œuvres, l'exposition nous laisse l'envisager non comme un simple support qui s'efface derrière un discours ou une représentation, mais comme porteuse de sens. Elle entreprend ainsi de retenir notre regard en lui offrant la possibilité de voir par-delà l'aveuglement des images. Le parcours de l'exposition se prolonge dans la nef de l'église de Brou, où Le Tissu de Lionel Sabatté, placé au-dessus du jubé, vient rejouer de manière sensible et fragile la frontière infime entre le sacré et le profane et se jouer de la limite entre l'abiection et le sublime.
Commissaire d'exposition : Dylan Caruso
Demi-vie
Diptyque de poils de barbe blancs et noirs rasés en 2022
36x42 cm
À l’aide d’une machine aspirante de son invention, Jérémie Setton s’emploie à répertorier minutieusement les poils tondus de sa barbe apparemment grise.
Il les trie, classe, scinde en deux catégories tranchées: poils pigmentés d’un côté et dépigmentés de l’autre. Si le gris est par définition un entre deux, il est aussi pour l’artiste confronté à la proportion pratiquement égale de poils de barbe noirs et blancs, le symptôme du temps qui passe, le signe qu’il est «à la moitié de [sa] vie».
En peintre, il s’empare de cette matière organique et colorée comme d’un pigment rare et précieux. Pour démêler la touche naturellement pointilliste de sa barbe, l’artiste procède à un dé-mélange. Il renvoie le gris à un état antérieur, avant le mélange des valeurs pures sur la palette, pour faire réapparaître un fort contraste noir et blanc. Jérémie Setton se propose ainsi de mettre au jour l’imperceptible et souligne, à partir d’une forme a priori neutre et sans nuance, nos perceptions manichéennes.
Dylan Caruso
Commissaire de l’exposition
extrait de texte du catalogue
Trieuse de poils de barbe
Préparation de l'œuvre Demi-vie
Deuxième génération
dessins à l’eau et savon d’Alep sur panneau de placoplatre
BA13 renforcé (jaune), hydrofuge (vert), anti-feu (rose) et phonique (violet)
Lorsque la guerre éclate à Alep, Jérémie Setton redécouvre que son arrière-grand- père paternel y est né. Pourtant, d’Alep, l’artiste ne connaît que son savon. Dès lors, il entreprend de reproduire des photographies issues de ses archives familiales à l’aide de ce savon, fabriqué à partir d’huile et qui ne contient aucun colorant. Le savon mélangé à l’eau est alors utilisé comme une peinture réduite à son liant, un corps gras pouvant tacher le support et faire apparaitre une image évaporée qui interroge la migration, le passage et la mémoire.
Représentant les grands-parents sportifs de l’artiste en Égypte, « Deuxième génération », produite pour l’exposition, s’empare d’une iconographie renouvelée et d’un support évocateur. Choisi pour ses qualités plastiques tout autant que pour ses teintes, qui rejouent étrangement celles des papiers sur lesquels se déploie la correspondance des grands parents de l’artiste, la plaque de plâtre donne une nouvelle dimension à ces images précaires, diluées dans leur matérialité et absorbées par leur support. Cet état transitoire de l’image, au seuil de sa disparition, associé au matériau de construction laisse espérer l’exil comme espace de réparation. Dylan Caruso
Commissaire de l’exposition
extrait de texte du catalogue
temps humide
11' 09 min
Vidéo numérique, 2014
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