Disposée au centre d'une installation soigneusement organisée, la sculpture « totémique » de Jérémie Setton tient d'abord de la peinture. Ici, la mise en espace vient en appui à une expérience visuelle dans laquelle la couleur, la lumière, la profondeur, et l'ensemble des caractéristiques de la peinture sont manipulées.
Un volume géométrique vertical fait donc face au regardeur, sur toute la hauteur, son arrête délimite un côté lumineux et un autre ombré. L'aspect minimal du « biface » déjoue toute tentation d'interprétation, c'est une forme pure, ancrée à l'espace réel, qui est donnée à voir. En son cœur pourtant, traversant sans aucune variation d'intensité les faces sombre et éclairée, un « parfait monochrome » d'une étrange couleur vient perturber la lecture. Cette couleur, comme en aplat, opère une trouée dans le volume, l'objet se comporte comme une image.
Travaillant sur les infinies variations lumineuses de la couleur, Jérémie Setton compense, équilibre, accorde. Dans cette œuvre, il applique d'abord de la feuille d'or dans la partie sombre. Puis, avec une palette « foncée » il élabore une « anti-couleur » qu'il peint dans la lumière jusqu'à unifier en apparence les deux faces.
L'or, par nature, n'a pas de couleur arrêtée, ses caractéristiques réflexives lui offrent une gamme chromatique infinie. Dans ce « biface », Jérémie Setton s'attache dès lors à produire une couleur informulable qui existe essentiellement dans l'œil de celui qui la regarde. Il crée une extrapolation de la couleur de l'or, débarrassée de la brillance et du mouvement qui censément la définissent.
Guillaume Mansart, historien d'art
Texte de l'ouvrage "Or", catalogue de l'exposition du Mucem, Hazan, p.233.